Le souvenir est plastique, il ne cesse d’évoluer dans le temps. Il s’embellit ou s’assombrit, s’oublie ou prend de l’ampleur.
Il repose toujours sur une structure primitive dont la stimulation peut nous faire remonter aux racines de la mémoire et du temps... jusqu’à retrouver le temps perdu.
Le pont est ici ce qui relie le monde invisible au monde visible.
Il oppose sa stabilité aux deux masses mouvantes du ciel et de l’eau, évanescence du vide et monde des profondeurs sont ainsi reliées.
La présence du sujet a été portée sur l’eau et la lumière, deux éléments changeants et mouvants. Les détails du pont et des bâtiments ont été laissés en suggestion. Tout élément anecdotique a été enlevé pour ne laisser que l’essentiel.
Le fleuve évoque la mouvance, la dissolution des souvenirs, faisant ainsi écho à la lumière brumeuse de l’hiver. Il évoque aussi l’instabilité, le départ, l’oubli, l’endroit ou vont se perdre les fils de la mémoire.
Les touches sont fines et souvent floues pour accentuer la diffusion de la lumière sur l’ensemble de la toile. Les contours s’effacent et se fondent les uns dans les autres.
Bien que les touches de peinture restent très diluées, les matières sous-jacentes donnent des premiers plans d'une très grande densité.
Les traces de pinceaux n'apparaissent pas ou très peu, mais la texture des matières est préservée et reste toujours apparente.
La lumière a été diluée dans le ciel pour restituer l’ambiance brumeuse d’une lumière d’hiver.
Le ciel est en coton.
La masse sur la partie droite est un mélange de terre, d’humus et de ciment.
Les rehauts de lumière sont un mélange de plâtre, colle, et pigment pur blanc de zinc.
Les matières minérales sont minoritaires mais elles assurent stabilité et équilibre dans la composition, ainsi que la communication entre la matière organique du ciel et la matière liquide synthétique du fleuve.
La densité du fleuve s’oppose à la dilution du ciel dans la brume.
Le contraste des matières vient s’ajouter à celui des pigments. Il suit le plan général de la composition: coton/ciment/eau artificielle pour le ciel/bâtiments/fleuve. A chaque plan sa matière.
Le fleuve a été mis en forme a l’aide d'un lit de papier aluminium posé sur la première couche de ciment.
Le papier aluminium a été travaillé en restituant les mouvements de l'eau, puis recouvert d’un mélange de pigments purs et d’eau artificielle.
La mise en peinture et en lumière s'est faite par dessus le mélange de matières.
Le pont et les bâtiments sont en ciment.
La barre d’immeubles, traitée en ébauche, reste néanmoins suffisamment suggestive pour créer un plan distinct du ciel.
Comme à l’accoutumée, le travail a commencé avec un dessin sur la toile d’après photo, suivi de quelques pré-couches en ciment avant une mise en matière plus poussée.
La coloration puis la mise en lumière interviennent ultérieurement dans le processus de construction.
Ainsi, le ciment reçoit des couches de teinture de bois en premier afin d’obtenir une masse sombre avant mise en pigments.
© Luc Dartois - Novembre 2020
Nous sommes dans le monde du souvenir, aussi fugace qu’un ciel changeant, aussi profond que le fond de l'océan.
Aussi loin soit-il enfoui, il peut toujours resurgir à la faveur d’un son, d’une odeur, ou d’une lumière.
Les sensations sont recomposés avec les souvenirs, libérant ainsi la pensée.
Sensations, souvenirs et pensées se mêlent et se mélangent aussi bien à travers la lumière que les ombres ou les matières. Elles se transmettent à chaque touche de peinture.
La matière manifeste sa présence absolue, la lumière révèle la présence de l’invisible, laisse entrevoir des sens cachés. Esprit et matière sont indissociable. L’un n’existe pas sans l’autre.
Une gamme restreinte de peintures a été utilisée, toute l’intensité lumineuse se concentre dans la vibration des matières. Les différentes nuances s'obtiennent le plus souvent par modulation d'une teinte de base.
Deux pigments purs de noirs ont été principalement utilisés: le noir pour fresque en charge de peinture pour le ciel, et le noir d’ivoire pour les autres parties. Les gris intermédiaire sont concentrés au centre dans la zone du pont.
La combinaison des noirs avec les matières donne au final une gamme plus étendue que les deux noirs d'origine:
- noir pour fresque mélangé au coton teinté dans la masse
- noir d'ivoire combiné à un mélange de terre, de ciment, et d'humus assombri à la teinture bois
- noir d'ivoire mélangé au ciment dans les ombres du pont
- noir d'ivoire mélangé à l'eau artificielle dans le fleuve, qui donne ici le noir le plus profond
Du pigment pur blanc de zinc mélangé à du plâtre et de la colle a été utilisé pour les rehauts de lumière. Le blanc de zinc est plus bleuté que le blanc de titane et donne une lumière plus froide.
Les masses se répartissent en trois grandes zones distinctes: le ciel, le fleuve, et le pont. Les deux petites masses sur chaque côté assurent la liaison et viennent équilibrer l’ensemble.
Les verticales des reflets assurent la communication entre l'eau et le ciel. Le pont se trouve au milieu de la toile.
Symétrie et équilibre des masses donnent une composition très stable.
La toile présente un espace fortement géométrisé.
Les verticales et horizontales forment une grille dense renforçant la stabilité de l’ensemble. La composition générale est exempte de diagonale forte.
La masse sombre à droite représente la superposition d'un ensemble d'arbres et du profil d'un bloc d'immeubles, comme on peut en trouver la correspondance sur la vue satellite. Elle est parsemée de quelques lumières qui en assurent l'ancrage dans la toile.
Sans ces lumières, la masse serait détachée du reste du tableau et donnerait l'impression qu'il se termine à la limite droite du pont.
La perspective est frontale, seules les lignes horizontales découpe l’espace.
Les distances sont écrasées par la lumière. La projection satellite montre que la masse d’arbres à droite est très proche tandis que la masse d’immeubles à gauche est très lointaine.
La toile est prévue pour une présentation avec lumière plutôt frontale. Le travail de la toile s’est fait en lumière du jour venant de la droite, orientée Sud-Est.
Elle est signée au tampon en haut à droite. Au verso figure la liste des ingrédients utilisés ainsi qu’une contre-signature.
Elle a nécessité environ deux mois de travail.
Nous sommes face au pont d'Iéna à Paris.
Réalisée en 2017, cette toile fut exposée une première fois à New York en 2018, puis à Paris en 2018, 2019 et début mars 2020.
2017 correspond à une période de promenades nocturnes fréquentes le long des quais, comme en témoignent plusieurs séries de photos prises à cette époque.
Cette peinture est en noir et blanc. Elle est de format panoramique, utilisé ici pour la première fois. Elle mesure 95cm de long pour 38cm de hauteur.
2017 - Pont d'Iéna, Paris
Un cours d’eau, un pont, des lumières, des reflets.
Une barre d’imeubles se dessine dans le fond à gauche, un pont traverse le milieu du tableau, à droite se trouve une masse sombre parsemée de quelques lumières.
Peintures et matières sur toile
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